Dans Sud Ouest aujourd'hui
BORDEAUX.-- Le Port vient de saisir la préfecture pour que soit désossée l'ancienne navette Blaye-Lamarque
Bac mention épave
:Julien Rousset |
auvre
bac ! Le gros navire rouge et blanc qui, des années soixante-dix
jusqu'au début des années 2000, a arpenté l'estuaire entre Blaye et
Lamarque, touche le fond.
Relégué
aux Bassins à flots (1), ce bateau gît depuis plusieurs mois à la
renverse. Sa ligne de flottaison semble s'enfoncer chaque jour un peu
plus, et aspirer à l'engloutissement « Non, pas du tout, ce bateau
n'est pas en train de couler : il est en fait posé sur la vase, et se
trouve en déséquilibre à cause d'une voie d'eau à l'arrière » précise
Sylvie Saint-Vignes, responsable de la gestion immobilière au Port
autonome.
Lequel
Port vient de saisir la préfecture, cette semaine, pour que l'animal
soit déclaré « à l'abandon » et démantelé. « Il ne vaut plus que le
prix de la ferraille? il est peut-être même bourré d'amiante » juge,
sur place, un propriétaire de voiliers.
Squatt et tournage.
Le bateau, baptisé « La Gironde » à l'époque de ses traversées
quotidiennes, a atterri aux Bassins à flots en 2004. Il venait d'être
vendu, après trente ans de bons et fluviaux services, par son ancien
propriétaire, le Conseil général.
Il avait été cédé à un premier propriétaire, puis confié à un
repreneur, enfin, en 2006, à un troisième propriétaire une société
comorienne selon nos informations. L'ancien bac devait être restauré
pour assurer de nouvelles liaisons maritimes, mais, faute de permis de
naviguer, son acquéreur semble avoir choisi la stratégie de l'épave, ne
donnant suite aux relances successives du Port.
Le
titre d'occupation pour le plan d'eau a touché à sa fin il y a un an.
Le port lançait une procédure d'« abandon », visant à constater
officiellement que le bateau est bel et bien largué par son
propriétaire. Procédure préalable à l'autorisation, désormais attendue,
de la préfecture pour le dépeçage de l'engin.
La retraite du bac aux Bassins n'aura pas été de toute tranquillité.
Sur la carcasse démangée par la rouille et les tags, il reste un
landau, quelques chaussures, des duvets : l'endroit a été régulièrement
squatté. Un graffiti précise qu'il est « défendu d'entrer sous peine de
mort ».
L'ex-Médocain démantelé.
Selon les Bacalanais, le bateau a eu d'autres usages. Un marbrier
évoque des opérations d'entraînement du raid, le conseiller général
Philippe Dorthe se souvient de tournages de film.
À
l'époque, il voisinait à Bordeaux-Nord avec un autre bac de la même
génération, Le Médocain, rafiot qui avait, lui, servi de trait d'union
entre Le Verdon et Royan, de 1968 à 2002. Vendu aux enchères pour 160
000 euros en juin 2005, ce voisin a été « dépecé » l'été dernier par la
société Soborec, une entreprise de Bègles : 700 tonnes d'acier avaient
ainsi été découpées, pendant trois semaines, avant d'être envoyées vers
des aciéries de Bilbao (2).
(1)
Pour découvrir ou redécouvrir l'histoire des Bassins à flots, on peut
consulter le livre de Pierre Cétois et Didier Périz, « Bacalan Beach »,
paru en septembre dernier chez Pleine Page (80 pages, 22 euros). (2) «
Sud Ouest » du 24 juillet dernier.
P